Méditer et dormir, ou méditer et agir ?
La méditation est partout. Les médias ont dépoussiéré cette pratique de sagesse millénaire, lui donnant presque un petit côté bling bling. Après le yoga, il devient de bon ton de pratiquer la méditation. Et les bénéfices mis en avant tournent beaucoup autour de la « zénitude » : méditez et vous serez apaisé, vous vous sentirez plus calme, vous vous débarrasserez du stress et des tensions, vous trouverez la sérénité. En entendant ces vertus, on a tôt fait de se forger une image lénifiante de la méditation. Et à trop pratiquer pour se calmer, on risque de finir par s’endormir ! Certes, la pleine conscience peut aider ceux qui souffrent d’insomnie à trouver le sommeil. Mais ce n’est là qu’une nuance sur la palette de couleurs que l’on explore en méditant. Cette palette parle avant tout d’agir avec plus de conscience, une humanité assumée, et une joie déployée.
Méditer et dormir, ou méditer et agir ? Telle est la question du jour.
Méditer et dormir
Méditer, c’est entraîner son attention à se poser dans l’instant présent, à cesser de voyager sans cesse dans le passé ou le futur. C’est regarder ce qui est là, sans chercher à changer quoi que ce soit : pensées, émotions, ressentis physiques… Et ce qui est là est souvent pas tout rose. Ni tout gris non plus d’ailleurs. C’est cette palette de multiples nuances de couleurs que l’on observe en méditant. Cette observation nécessite ouverture et vigilance.
Ouverture et vigilance : deux attitudes qui ne sont pas celles que l’on trouve dans le sommeil ! Néanmoins, si méditer n’est pas dormir, la méditation peut faciliter le sommeil, ou même l’induire. Cela arrive, même parfois involontairement. Lors des pratiques de méditation en position allongée, il n’est pas rare (il est même fréquent !) que j’observe des personnes qui s’endorment. L’ »observation » en question passe alors souvent par l’oreille, alertée par des ronflements plus ou moins discrets qui émergent aux quatre coins de la salle ! En position assise, il est certes plus rare de s’endormir, mais cela arrive ! Le méditant assoupi vire alors au culbuto, avec effet domino s’il s’affale sur son voisin lui aussi un peu amolli. (Lisez ici un article sur tout ce qui conspire à nous éloigner de la méditation).
Quand on éprouve des difficultés d’endormissement le soir, la méditation peut nous aider à tomber dans les bras de Morphée. De nombreuses études montrent que la méditation favorise l’endormissement. Ce bienfait est précieux, lorsque le sommeil refuse de venir, lorsque l’on est obsédé par la peur de ne pas dormir, lorsque les soucis se nimbent d’une profonde noirceur avec la nuit. La pleine conscience nous invite à ne pas rétrécir le champ de notre esprit autour de ces pensées, mais à l’ouvrir, et simplement ne pas les suivre, ne pas les entretenir. Et pour cela, nous avons deux merveilleux aides à notre disposition : le souffle, et le corps. Nous pouvons suivre le mouvement de la respiration, comme un rappel de la vie qui circule paisiblement en nous. Nous pouvons aussi ressentir le corps, en voyageant à travers toutes ses parties, des pieds à la tête, et en tentant de relâcher les tensions. L’attention au souffle et au corps dilue la focalisation sur les pensées. Et alors, même si le sommeil ne vient pas immédiatement, l’angoisse de ne pas dormir s’apaise, les ruminations ralentissent. Et il y a fort à parier que Morphée finira par venir vous embrasser.
Découvrez dans cette vidéo quelques conseils de Christophe André sur la méditation de pleine conscience et l’endormissement :
Méditer et agir
La méditation est parfois considérée comme une pratique qui coupe du monde, et qui enferme dans un cocon douillet pour s’isoler de la réalité extérieure. Que nenni ! Lorsque l’on médite, il n’y a ni enfermement, ni cocon, ni aucun aspect douillet. Méditer, ce n’est pas nécessairement confortable. Et souvent, ça ne l’est pas du tout. Outre les douleurs physiques qui apparaissent parfois, observer le tohu-bohu de l’esprit, c’est souvent comme regarder un champ de bataille. Et en plus on est dedans ! Alors, non, la méditation n’est pas la relaxation – même si elle peut aider à se détendre quand on cherche à s’endormir par exemple. Et alors on pratique avec cette intention.
Méditer n’est pas se couper du monde. Méditer, c’est se relier au plus intime de soi, pour mieux être en lien avec le monde. Il s’agit d’un aller-retour : aller en soi, pour un retour plus présent au monde. L’image du moine reclus dans sa grotte qui passe ses journées à méditer en grignotant trois grains de riz persiste encore ! La méditation de pleine conscience est une pratique résolument moderne. Et si elle connaît un tel essor aujourd’hui, c’est précisément parce qu’elle nous permet de mieux vivre dans le train à grande vitesse dans lequel nous sommes pour la plupart embarqués. Il ne s’agit pas de nous exclure du monde, mais au contraire d’y vivre en nous y incluant plus pleinement.
Méditer et agir : Etre plus présent à soi, pour être plus présent au monde. Prendre un temps pour soi, afin d’offrir le meilleur de soi au monde. La méditation nous invite à être pleinement, pour faire différemment. Lorsque l’on est plus conscient des histoires que l’on se raconte, des pensées que l’on entretient, des jugements que l’on (s’)impose, des émotions qui nous submergent… on entrevoit ce voile qui nous sépare de la réalité. Et aussi, derrière les masques et les carapaces, ce sont nos plus belles qualités qui sont appelées à émerger. Vie personnelle, vie professionnelle, vie sociale : toutes nos vies ne sont plus qu’une, avec l’envie d’agir pour contribuer à la beauté de l’humanité.
Méditer pour s’ass-agir, puis méditer et agir, avec sagesse… et un grain de folie !
Anne-Valérie Rocourt
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