Qu’entends-tu faire de ton unique, sauvage et précieuse vie ?
« Qui a fait le monde ?
Qui a fait le cygne et l’ours noir ?
Qui a fait la sauterelle ?
Je veux dire cette sauterelle-ci − celle qui a bondi hors de l’herbe,
celle qui mange du sucre au creux de ma main, qui bouge ses mandibules de gauche à droite, plutôt que de haut en bas − qui regarde autour d’elle avec ses énormes yeux compliqués.
La voilà qui lève ses pâles avant-bras et se nettoie soigneusement la tête.
La voilà qui déploie ses ailes, et s’envole au loin.
Je ne sais pas exactement ce qu’est une prière.
Mais je sais comment prêter attention, comment tomber dans l’herbe, comment m’agenouiller dans l’herbe, comment flâner et être comblée, comment errer à travers champs,
ce que j’ai fait tout au long de la journée.
Dis-moi, qu’aurais-je dû faire d’autre ?
Tout ne finit-il pas par mourir, trop rapidement ?
Dis-moi, qu’entends-tu faire de ton unique, sauvage et précieuse vie ? »
Mary Oliver, La journée d’été
J’ai découvert ce poème initialement dans sa version anglaise. Et il n’a pas souffert de sa traduction en français. Quel percutant rappel à la vie !
Notre vie est unique. Elle est sauvage et indomptable. Elle est précieuse et rare. Notre vie est unique.
A quoi la vie m’appelle-telle ? C’est la question que je me pose chaque jour, sur mon coussin de méditation ou entre deux rendez-vous, sous la pression.
Qu’est-ce que j’entends faire de ma vie, ou qu’entend-elle faire de moi ? C’est un peu des deux, entre deux eaux, se laisser porter par le courant…